samedi 25 avril 2009

JOHN ZORN - First recordings 1973

L'un des premiers disques sortis sur la Archival series (voir même sur le label Tzadik puisque c'est sa première année de création). Evidemment, la notion d'archive est ici amplement justifié car comme vous l'aurez compris dans le titre, il s'agit des premiers enregistrements de son auteur en 1973 et 1974, soit respectivement à 19 et 20 ans.

Nait dans un hopital de NY en 1953, Fils d'une mère professeur dans un college, originaire de la premiere vague juive de NY qui vivra dans le bronx, et fils d'un père coiffeur originaire d'Europe de l'est probablement juif, l'enfant Zorn aura du mal à trouver ses marques au début de sa vie. Refusant leurs racines juives, ses parents décidèrent de l'envoyer dans une école catholique du Queens, en tentant d'être relativement pragmatique avec lui, d'ou des études musicales trés tôt. Il découvrit egalemment la world music, le rock, le jazz, la country ou la chanson française par le biais de ses parents ou de son frêre ainé.Trés vite, l'apprentissage rapide de la musique et le fait d'être juif dans une école catholique le pousse à être rejeter par les autres, autant juif que catholique ("an anti anti semitism"). La séparation de ses parents empire les choses, accroit ses doutes sur ses croyances et racines, et c'est sans cellule familial que le jeune Zorn agé de 15 ans érre dans les rues de Manhattan, visitant la plupart du temps le Metropolitan art of museum la journée, et l'opéra de NY le soir. Sa solitude sera son salut : c'est ainsi qu'il découvre son intérêt pour le cinéma, et donc sa passion pour la musique. Il découvre ainsi Igor Stravinsky aprés avoir regardé "Fantasia" un classique de Disney, idem pour Ligeti avec "2001 odyssée...". Mais le coup de grâce restera la découverte d'Ennio Morricone avec "le bon, la brute, et le truand" qui changera son esprit à jamais. A partir de la, tout s'enchaine : apprentissage de la flute et de la basse à 16 ans, avec qui il jouera dans un groupe de Surf music ; Ces influences d'alors sont autant les Doors que Beefhart, et bien sur l'incontournable Frank Zappa, qui respectera autant qu'il detestera, qualifiant la musique de Zappa de "weird shit", mais pourtant découvrant Varèse grâce à lui. Il poursuit ensuite son exploration de la musique contemporraine, découvrant Ives, Kagel, ou encore John cage. De 1973 à 1974, John Zorn déménage de NY et étudie la composition au Webster college de Saint Louis. Là-bas, il s'intéresse particulièrement au jazz, découvre le black artist group et la scène noire de Chicago avec Wadada leo smith. Il développe une fascination pour Anthony Braxton, particulièrement son album For Alto, qui le pousse vers l'étude du saxophone. C'est aussi à Webster qu'il intègre dans son champ musical des éléments venus du free jazz, de l'avant-garde, de la musique expérimentale, de l'art performance, et les musiques de dessins-animés, à travers des compositeurs comme Scott Bradley et Carl W. Stalling ; il choisit d'ailleurs ce dernier comme sujet d'étude au Webster College. Et c'est evidemment à cette période qu'il compose ses premières pièces sonores réunit dans ce "first recordings".

On démarre avec cette première pièce intitulé "Conquest of Mexico" datant de 1973, divisé en trois partis pour un total de 15 minutes. Dés cette première, on ressent l'esprit psychopathe et tordu de son auteur, qui nous emmene dans un ambiant sombre et glauque absolument indéscriptible. Vibrations, bruits étranges, cris de déments, piano désaccordé, c'est la bande son de ce qui se passe dans le cerveau d'un aliéné depuis dix ans. Zorn raconte un processus de création trés malsain, dans une petite pièce sombre avec deux magneto, un piano, quelques percussions, et des périodes d'enregistrements qui oscille entre la nuit noire et l'aube. Effrayant, mais tout simplement génial, l'ambiant avant l'heure, les prémices d'"absinthe" évoqué à travers la démence refoulé d'un jeune adolescent.

Enchainement avec une pièce de 73 de 3 minutes. John Zorn est revenu à New York, créche dans une piaule d'utopia Parkway dans le Queens, et continue d'exprimer ses angoisses sur bandes magnétiques. Ayant appris au college le placement de micros dans les phases d'enregistrements, il s'amuse sur "Wind ko/la" avec une basse à déplacer le micro sur fond de taping et de percussion ultra bizarre, tout en poussant certains cris d'aliéné, alors que Mike Patton porté encore des couches culottes. Des cris récurrents dans sa jeunesse qui, selon son propre aveu, inquietera sa mère au point qu'il sera régulièrement mis en observation dans une clinique psychatrique du Bronx de 8 à 16 ans, sans que cela n'est de conséquence sur son état mental. Zorn souligne aussi que ces pièces sonores seront pour lui une base minime de départ pour la composition des Hardcore pieces de Naked city, d'ou un avant gardisme incroyable dés le début de sa carrière.

"Mikhail Zoetrope" est la pièce la plus longue du disque. Datant de 1974, elle se divise en trois actes de respectivement 22, 13 et 11 minutes. Crée en une aprés midi, elle peut être estampillé comme première composition majeure de John Zorn. Et quel folie furieuse ! certes quelques influences décelables (Kagel, Carl Stalling, Braxton ou John Cage), mais une vision unique en soi. Un magnétophone, puis Zorn assis par terre avec des jouets, des verres et ustensiles de cuisine, une platine, un aspirateur, une télévision et un saxophone. Le résultat est en tout point détonnant. Certes barré, certes tarré. Mais dans le fond plus cohérent que la plupart des Games pieces (du moins à mes yeux). Pas de math, pas de joueurs, pas de structures. Uniquement de l'instinctif et de l'improvisation. Ca fait peur, mais c'est captivant à la fois, comme un mauvais délire sous trip. Pour tout amateurs de la musique de Zorn, l'écoute de ces archives demeure essentielles pour "comprendre" l'univers du New yorkais. "The craziest stuff i've ever done" déclarera t'il.

Une pièce de 1974 de 1 minutes intitulé "automata of al-jazari" trés ambiant cinématographique (crée pour son "theater of musical optics"), et on enchaine sur "Variations on a theme of Albert Ayler" de 1973. Une pièce sonore que Zorn avait complétement oublié. Hommage au saxophoniste de Free jazz bien sur, tout est free dans ce morceau, mais il n'y a rien de jazz, hormis quelques coups de saxo et clarinette bruitiste. Du merzbow avant l'heure. Barré et extrême, de la folie à l'état pur.
Je terminerai sur des propos de John Zorn : "mes premiers enregistrements musicaux, faites à une période ou la musique et les films étaient les seuls éléments dont je disposais dans ma triste vie solitaire d'exile et d'aliénation. C'est seulement grâce à ces enregistrements que j'ai commencé à découvrir l'extase dont nous sommes tous en recherche d'une forme ou une autre. J'espère que cette adolescence créative aura pu interpeller quelques auditeurs, ou au moins en faire rire quelques uns..."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire